Créé en 2006, le Prix littéraire Brantôme constitue véritablement la clé de voûte de notre tout jeune festival L’histoire se livre. Ainsi, l’an dernier, la première édition du festival rendait hommage à Jean-Pierre Thuillat pour son ouvrage consacré à Bertran de Born et toute l’animation se déclina autour du Moyen Age ; cette année, la deuxième édition salue Elizabeth Coquart pour son livre Marguerite Durand, patronne de presse et féministe. Le programme du festival cherchera donc à mettre en lumière les femmes de lettres, les femmes savantes, les femmes d’exception qui ont imprimé de leur personnalité l’Histoire locale autant qu’elles ont marqué celle de notre pays. C’est donc tout naturellement que les historiens et universitaires qui interviendront lors de ce deuxième festival, dans le cadre de nos Rencontres bisannuelles, lèveront pour nous le voile de la légende de certaines d’entre elles.

– Samedi 2 juin 2012, de 14 h à 18 h, au Dortoir des Moines

Marie de Gournay (vers 1566-1645), fille d’alliance de Montaigne et femme savante du XVIIème siècle

« C’est sous cette double appellation que Marie Le Jars, dite Mademoiselle de Gournay, a traversé les siècles pour se retrouver, encore aujourd’hui, tantôt mauvaise, tantôt digne de louanges … Ce jugement contrasté qui n’a cessé de la caractériser porte à la fois sur son rôle auprès de Montaigne qui a choisi à la fin de sa vie de faire d’elle sa « fille d’alliance » et sur son statut de « femme savante » aux prises, en attendant Molière, avec les quolibets et moqueries de ses contemporains critiques envers ses écrits et ses engagements. Cette existence étonnante d’une femme autodidacte et passionnée de sciences – de la philosophie à l’alchimie – et si proche de Montaigne au point de devenir l’ultime correctrice et éditrice des Essais, en 1595, mérite non pas d’être envisagée au nom d’une quelconque réhabilitation dont elle n’a nul besoin, mais d’être considérée au regard de la condition féminine au XVIIème siècle, sous les règnes d’Henri III, d’Henri IV, de Louis XIII et du tout jeune Louis XIV. » Anne-Marie Cocula, Historienne, Professeur émérite de l’Université de Bordeaux III.

Olympe de Gouges, une vie pour la liberté

« Longtemps tombée dans l’oubli, la figure d’Olympe de Gouges a attendu les dernières années du XXème siècle pour être reconnue comme une devancière majeure du mouvement féministe, dont elle a énoncé les principes dans sa « Déclaration des droits de la femme« . Sa personnalité, mieux connue, réserve d’autres surprises. Née Marie Gouze à Montauban, elle ne cessa de se dire fille adultérine de Lefranc de Pompignan. Après son veuvage, sa vie parisienne en fit une figure en vue, bravant les préjugés et affirmant sa liberté personnelle. Ses ambitions littéraires allèrent du roman autobiographique au théâtre, où elle contesta le monopole masculin des auteurs. La Révolution la voit s’engager dans de grandes causes, comme l’abrogation de l’esclavage des noirs. Ardente républicaine, elle n’en défie pas moins la dictature de Robespierre et la Terreur, ce qui l’amène devant le Tribunal révolutionnaire, où elle plaide sa cause sans faiblir. Condamnée à mort, elle est guillotinée le 3 novembre 1793. » Jean-Pierre Amalric, Professeur émérite d’Histoire contemporaine de l’Université de Toulouse-Le Mirail.

Marc de Montifaud, énigmatique et méconnue

 » Parmi les femmes-auteurs de la fin du XIXème siècle, Marie-Amélie Chartroule, dite Marc de Montifaud (1845-1912), occupe une place particulière, marquée par ses longs démêlés avec la justice, sous prétexte d’outrages aux moeurs dans ses livres jugés alors pornographiques. Ils ne se distinguent pourtant pas vraiment des contes ou romans grivois ou rabelaisiens publiés par les auteurs masculins de l’époque, sans susciter contre eux l’acharnement avec lequel elle fut poursuivie. Cette production grivoise a occulté ses travaux sérieux de philosophie et d’érudition. Les uns et les autres attirèrent aussi les foudres de la justice, les magistrats n’appréciant guère leur caractère matérialiste et anticlérical. Elle avait acquis une formation artistique initiale dans l’atelier du peintre Tissier. Son mariage avec le secrétaire d’Arsène Houssaye, directeur du journal l’Artiste permit sa collaboration à ce journal, où elle assura la critique des Salons de peinture de 1864 à 1877. Compétente, d’un goût fin et sûr, elle y attaqua vigoureusement la peinture académique de son époque, notamment dans sa représentation du nu, et elle fut pratiquement la seule à prendre la défense des impressionnistes dès leur première exposition. De nombreuses zones d’ombre subsistent dans sa biographie, dont beaucoup d’éléments (dates et événements) recopiés depuis cent trente ans sont faux. » Michel Golfier, Professeur émérite de l’Université de Paris XI Orsay.

Des femmes et des livres en Périgord au Siècle des Lumières

 » Contrairement à une opinion répandue, l’idée d’un retard intellectuel du Périgord au Siècle des Lumières est à nuancer : des études récentes attestent de la progression sensible de l’instruction tandis que la fréquentation de l’imprimé devient plus courante dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, du moins parmi les hommes et les femmes composant la bourgeoisie et la noblesse de province. Ces indicateurs obligent à reconsidérer un jugement par trop sombre et pessimiste. A côté d’une consommation de masse en augmentation, les inventaires après décès, les états des biens placés sous séquestre pendant la Révolution, d’autres documents plus isolés, révèlent, après 1770 d’importantes bibliothèques périgourdines, riches de plusieurs centaines de volumes et qui ne souffrent aucunement de la comparaison avec celles des élites bordelaises. Les lectrices participent à ce mouvement à travers une littérature qui leur est plus spécialement destinée et qui témoigne des évolutions du lectorat féminin et de ses différents niveaux de lecture ». Michel Combet, Maître de conférences en Histoire moderne IUFM d’Aquitaine.